Article paru le 6 janvier sur le site du journal italien La Repubblica

PARIS – « C’est un pas vers le futur ». Olivier Lefebvre, délégué Force Ouvrière, salue la naissance de Stellantis. « Nous avons émis un avis favorable sur la fusion depuis le début », rappelle le représentant du premier syndicat des travailleurs français de PSA. « Devenir le quatrième constructeur mondial, avec huit millions de voitures à produire, est une bonne base industrielle ». L’enthousiasme du syndicaliste est tempéré par des doutes sur les engagements en matière d’emploi. « Pour l’instant, nous avons été inondés de données financières – souligne Lefebvre – mais nous naviguons dans le noir sur la manière dont les synergies seront réalisées, quelle sera la stratégie pour les nombreuses marques du groupe, là où des investissements en recherche et développement seront réalisés ».
La direction de Stellantis, à commencer par le PDG Carlos Tavares, a promis que les usines ne seraient pas fermées. « Ce n’est pas une garantie suffisante. Une usine peut être laissée ouverte, réduisant ses volumes de production et donc des emplois », commente Christine Virassamy, déléguée CFDT. Après le verrouillage du printemps, les usines PSA ont recommencé à fonctionner à plein régime. Le fabricant n’utilise plus guère le chômage partiel. « Nous savons que la réalité dans les usines italiennes est très différente, et cela nous inquiète », dit Virassamy qui craint le « jeu des vases communicants » avec des déplacements de production d’une partie des Alpes à une autre et avec l’éventuelle fermeture des centres de recherche et développement. Le délégué cite une analyse comparative que la CFDT a fait réaliser par le cabinet de conseil Syndex. « L’existence de duplications entre la France et l’Italie est malheureusement une évidence ».
Les travailleurs italiens et français de Stellantis partagent en partie les mêmes craintes. « Il faut unir cette force extraordinaire composée de 400 000 travailleurs pour défendre conjointement nos intérêts », affirme Jean-Pierre Mercier, délégué de la CGT qui rêve d’une sorte d’ « internationale » de syndicalistes au sein de Stellantis. « Il faut rejeter la logique métier qui met les salariés et les usines en concurrence », poursuit Mercier qui a déjà pris contact avec Fiom. « Nous allons commencer à faire circuler des informations parmi nous, en anticipant les menaces », explique-t-il à propos de l’idée d’une nouvelle coordination. Mercier admet cependant qu’avec ses collègues allemands, après le rachat d’Opel, la solidarité n’a pas très bien fonctionné. « La culture syndicale est trop différente », explique-t-il, conscient que la route sera encore en montée. « Nous devrons accepter de répartir les volumes de production. Mieux vaut travailler moins mais faire travailler tout le monde », poursuit le syndicaliste CGT qui a dénoncé cet été le transfert temporaire en France de travailleurs d’une usine en Pologne. « Nous n’avons rien contre les camarades polonais mais nous sommes contre ce nomadisme. Si le principe passe, rien ne nous empêche, à nous ou aux travailleurs italiens, d’être appelés à passer d’un pays à un autre à l’avenir ».
Les syndicalistes du PSA, malgré la diversité des différents acronymes, partagent une forme de désillusion sur le prétendu bouclier de protection que l’État français garantirait, présent dans la participation de Stellantis à travers la Banque publique d’investissement (BPI). « Au cours de la dernière décennie – observe Mercier – près de 30 000 emplois ont été supprimés au sein du PSA et le représentant de l’Etat a toujours voté sur tous les plans de restructuration ». Depuis son arrivée en 2013, Tavares a imposé une cure de perte de poids drastique. « Mais sans licenciements et uniquement par des incitations, des préretraites, des aides à la reconversion », a déclaré Lefebvre, également perplexe face à l’intervention du gouvernement français pour défendre l’occupation. « Cela fait partie des demandes que j’ai faites dans la lettre au Père Noël, pour l’instant je n’ai pas reçu de réponse », plaisante-t-il, rappelant ensuite que l’autre constructeur historiquement contrôlé par l’Etat, Renault, vient d’annoncer plus de 4000 emplois à supprimer La France bien qu’ayant également reçu un prêt garanti de 5 milliards d’euros. PSA a préféré aller de l’avant sans le soutien du public. Le syndicaliste Force ouvrière a sa propre interprétation : « Tavares n’a rien demandé au gouvernement parce qu’il veut garder les mains libres ».
A retrouver à ce lien : https://ricerca.repubblica.it/repubblica/archivio/repubblica/2021/01/06/i-sindacati-francesi-dicono-si-a-fca-psa-ora-vogliono-sapere-marchi12.html?ref=search