Le plan « Climat » de Bruxelles menace 150.000 emplois en France, selon la filière

[Lu dans La Correspondance Economique]

Le paquet « Fit for 55 de la Commission européenne (cf. CE du 15/07/2021) », pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, menacerait 150 000 emplois dans le secteur en France, a estimé hier sur France Info M. François ROUDIER, porte-parole de la Plateforme automobile (qui regroupe 4000 entreprises du secteur, constructeurs et équipementiers confondus). « Dans le pire des cas, on a un risque sur 100 000 emplois dans la filière industrielle et 50 000 dans les services, qui disparaîtraient complètement », a-t-il précisé. 

Rappelons que Bruxelles a proposé, entre autres mesures, l’interdiction à compter de 2035 de la vente de voitures neuves à essence ou diesel. L’objectif final est d’atteindre un transport complètement décarboné en 2050, rejoignant l’objectif de neutralité carbone de l’Europe d’ici le milieu du siècle. 

L’industrie automobile européenne réclame elle une transition moins rapide vers le zéro émission. « Il y a une vraie inquiétude en France sur ces mesures qui sont un peu extrêmes », a déploré M. ROUDIER, qui regrette que l’Union européenne ne mise désormais plus que sur l’électrique. Le gouvernement français et l’industrie automobile défendent notamment les voitures hybrides rechargeables, dotées d’un moteur électrique d’appoint en plus d’un moteur thermique. Mais ces véhicules, plus lourds que leurs équivalents thermiques en raison de cette double motorisation, peuvent être plus polluants s’ils ne sont pas rechargés, et ne permettront pas à eux seuls d’atteindre zéro émission. Le coût de production ainsi que la reconversion des PME seront des points sensibles de la transition vers le tout électrique, a averti M. ROUDIER, qui estime à 17,5 milliards d’euros l’investissement nécessaire pour mener à bien le plan climat, dont un tiers « au moins » serait pris en charge par l’Etat. 

Pour autant, le secteur est déjà bien engagé dans une transition vers la mobilité propre. Volkswagen a déjà annoncé qu’il arrêterait de vendre des voitures à moteur à combustion en Europe entre 2033 et 2035. L’année 2020 a d’ailleurs marqué une vraie accélération en matière d’électrification pour tout le secteur, sous pression de l’UE et grâce aux aides publiques. Les constructeurs n’ont de cesse d’électrifier leurs gammes, et le marché des hybrides et des électriques connaît une poussée inédite en Allemagne, en France ou en Italie. « Chaque constructeur a pris la mesure des changements en cours », a souligné M. Thomas MOREL du cabinet McKinsey. « Toutefois, les niveaux d’investissement restent très variables d’un acteur à l’autre ». A ce stade, Volkswagen et Volvo ont présenté les plans les plus ambitieux avec, respectivement, 60 % de voitures électriques en Europe, et 100 % dans le monde, d’ici 2030. Renault, pionnier de l’électrique avec sa Zoé, veut lui aussi accélérer sa transition via son plan « Renaulution » qui inclut de nombreux lancements. Plus récemment, Stellantis (né de la fusion de FCA et PSA), en pointe sur les hybrides, a fait état d’une accélération de sa transition électrique. Le constructeur compte ainsi investir 30 milliards d’euros dans l’électrification de ses gammes « dans les cinq prochaines années » (cf. CE du 09/07/2021). 

Reste que l’angoisse générée par les annonces de Bruxelles est partagée par les syndicats. Hier la fédération FO de la métallurgie a appelé à « ne pas sacrifier l’industrie sur l’autel du climat ». Les annonces de la Commission « nous inquiètent pour l’avenir de l’industrie française et européenne, ainsi que pour ses emplois », a-t-elle mis en garde. « Il ne s’agit pas de remettre en cause l’urgence climatique », mais il faut « mesurer en amont et avant toutes décisions irréversibles les réels impacts » sur « l’industrie et ses emplois », a plaidé FO Métaux. 

En revanche le syndicat CFDT du groupe Renault a accueilli « avec satisfaction les annonces », qu’il juge « cohérentes avec le rapport », publié le 30 juin, de la centrale CFDT et de la Fondation Hulot pour une « transition juste » dans l’automobile. Favorable à « une mutation accélérée » du secteur, la CFDT-Renault estime que « la politique actuelle des petits pas mène à un retard significatif de la France ». Rappelons que la filière automobile n’est pas la seule à protester contre les annonces de Bruxelles. Le secteur aérien, qui ne pourra plus bénéficier de kérosène non taxé pour les vols intra-européens dès 2023, est également en première ligne de ces nouvelles ambitions.